Les facteurs de risque de la myopie

L’épidémie actuelle de myopie conduit les chercheurs à s’interroger sur les causes de la myopie et les paramètres pouvant favoriser l’apparition et le développement de ce trouble de la vision.

Si l’hérédité est un facteur de risque indéniable, il n’est plus le seul incriminé. Les études récentes mettent de plus en plus en avant l’impact de nos modes de vie « urbains », notamment le temps passé devant les écrans au détriment des activités en extérieur.

La cause de la myopie serait ainsi un phénomène complexe combinant des facteurs génétiques et environnementaux.

Causes de la myopie : Les facteurs génétiques

On a tous eu l’occasion de le constater, il existe des familles de myopes. La génétique pourrait expliquer le fait que nous ne soyons pas tous égaux face à ce risque et que certaines personnes soient plus prédisposées que d’autres à devenir myopes. Les facteurs génétiques seraient en cause dans 10 % des cas de myopie.

La myopie, une affaire de famille

Le poids de l’hérédité dans le développement de la myopie fait l’objet d’un consensus scientifique. Selon une étude australienne 1 , le risque qu’un enfant devienne myope est ainsi multiplié par deux en présence d’un seul parent myope et par 3 à 8 si les deux parents souffrent de ce trouble visuel. Ce risque est également majoré lorsqu’un (ou les) parent(s) a une myopie forte.

Des gènes en cause dans le développement de la myopie

Des études génétiques fondées sur différentes techniques (permettant notamment de montrer la probabilité d’une association entre des variations de l’ADN et la myopie) ont été menées pour expliquer les mécanismes en cause dans l’apparition et le développement de ce trouble de la vision.

Ces études ont permis d’identifier un certain nombre de gènes associés à la myopie, dont une majorité est située sur des chromosomes non sexuels et une minorité sur le chromosome X. Les corrélations entre les gènes impliqués et la manifestation de la myopie chez un patient sont toutefois imparfaites.

Les myopies liées à des syndromes

Un certain nombre de syndromes présentent une myopie associée qui est le plus souvent d’évolution rapide avec un risque important de complications. Il s’agit en particulier :

  • de la maladie de Marfan, maladie rare du tissu conjonctif
  • du syndrome de Stickler (ou syndrome de Marshall-Stickler), qui se traduit fréquemment par l’apparition d’une myopie forte chez le bébé avec un risque important de décollements de rétine
  • de la maladie de Weill-Marchesani, caractérisée par différents symptômes (petite taille, raideur articulaire…) et par des atteintes oculaires sévères (myopie forte notamment)
  • de la maladie de Wagner maladie héréditaire rare qui se caractérise par des symptômes oculaires multiples (myopie, cataracte, décollement de la rétine…)

Une origine ethnique de la myopie ?

Certaines études ont également mis en évidence des variations ethniques dans la survenue de la myopie. La prévalence de la myopie est ainsi proportionnellement moins importante au sein de la population européenne qu’au sein de la population asiatique. Par exemple, au Japon, en Chine ou en Corée du Sud, neuf élèves sur dix portent des lunettes !

Causes de la myopie : Les facteurs environnementaux

En matière de myopie, la génétique n’explique pas tout. La forte prévalence de ce trouble au sein de populations ayant un mode de vie « occidental » a conduit les chercheurs à s’intéresser également à l’influence de l’environnement.

Différents facteurs en lien avec notre façon de vivre joueraient ainsi un rôle prépondérant dans le développement de la myopie, notamment chez les jeunes.

Le travail intensif de près

Il favoriserait la survenue de la myopie comme en atteste la forte prévalence de ce trouble au sein de populations particulièrement investies dans les études (élèves des écoles orthodoxes d’Israël, ou étudiants de l’Asie de l’Est soumis à une forte pression éducative).

Des travaux de recherche ont mis en évidence une corrélation entre le niveau d’études supérieures et la myopie.

Une faible exposition à la lumière naturelle

Un certain nombre d’études récentes montrent le rôle protecteur du temps passé à l’extérieur contre la myopie (au moins 40 minutes par jour, tous les jours). En 2008, une étude australienne 2 a notamment mis en évidence une plus forte prévalence de la myopie chez les enfants pratiquant peu d’activités de plein air.

L’explication avancée serait liée à la dopamine, un neurotransmetteur dont la sécrétion, stimulée par la lumière du jour, contribuerait à freiner la croissance de l’œil.

Une étude récente menée en Chine a ainsi mis en évidence le fait que les enfants nés en hiver seraient plus myopes que les autres 4 .

Les activités prolongées sollicitant la vision de près à la lumière artificielle

Selon la même étude australienne, les enfants sortant peu et pratiquant régulièrement des activités de près comme la lecture ou les jeux vidéo ont trois fois plus de risques d’être myopes que leurs camarades 2 pratiquant beaucoup d’activités de plein air et peu de lecture.

Une autre étude 4 a notamment mis en évidence le fait que les enfants lisant plus de deux livres par semaine en moyenne étaient plus myopes (myopie supérieure à 3 dioptries) que les enfants moins férus de lecture. Le temps consacré aux écrans qui ne cesse de progresser notamment chez les jeunes est également mis en avant comme facteur favorisant la myopie.

Enfin, un déficit en vitamines D,E et A est également un facteur suspecté même si son rôle reste discuté.

COVID, confinement et myopie

Premier pays touché par le COVID, la Chine a également été le premier à instaurer des mesures de confinement strict.

Selon une enquête annuelle (récurrente depuis 2015) menée début 2020 dans la ville de Feicheng auprès de jeunes enfants, la prévalence de la myopie avait fortement progressé en raison de l’épidémie par rapport aux 5 années précédentes. Ainsi, en 2020, la proportion d’enfants myopes était de :

  • 21 % chez les enfants de 6 ans (vs 5,7 % entre 2015 et 2019)
  • 26 % chez les enfants de 7 ans (contre 16,2 % les années précédentes)
  • 37 % chez ceux de 8 ans (contre 27 %)

Selon les auteurs de cette étude, cette forte progression de la myopie en 2020 peut s’expliquer par la combinaison de deux facteurs liés aux mesures de confinement : un usage plus important des écrans chez les enfants, à un âge critique pour le développement de la myopie, et le manque d’exposition à la lumière naturelle.

Un enfant de parents myopes deviendra-t-il forcément myope ?

Au-delà de l’hérédité, il existe des facteurs environnementaux qui jouent un rôle prépondérant dans le développement d’une myopie. Un enfant de parents myopes ne le deviendra donc pas forcément, notamment si son mode de vie joue un rôle protecteur contre la myopie : moins d’activités en vision de près, plus d’activités en plein air.

La pratique intensive des écrans rend-elle myope ?

Un grand nombre d’études mettent en avant la forte progression du temps consacré aux activités sur écrans chez les enfants comme chez les jeunes adultes, au cours des dernières années. Les tablettes, smartphones et consoles de jeux vidéo sont notamment de plus en plus prisés. Ces écrans sollicitant fortement la vision de près, certaines études se sont intéressées à leur impact potentiel sur le développement de la myopie. Parmi elles, une étude menée à Taïwan* en 2010/2011  auprès d’un groupe de jeunes militaires âgés de 18 à 24 ans a mis en évidence l’existence d’une corrélation entre le fait de passer du temps sur un ordinateur et une longueur plus importante de l’œil. Or, on sait que la myopie est souvent due à un excès de croissance de l’œil. La pratique intensive des écrans pourrait donc favoriser le développement ou l’aggravation de la myopie, d’autant que plus on passe de temps sur les écrans, moins on passe de temps dehors, à la lumière du jour (qui est un facteur de protection reconnu contre la myopie).

*Lee et al.What factors are associated with myopia in young adults? A survey study in Taiwan Military Conscripts. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2013 Feb 5;54(2):1026-33

Sortir peu augmente-il les risques de devenir myope durant l’enfance ?

Effectivement, la diminution du temps passé en extérieur jouerait un rôle prépondérant dans l’épidémie de myopie à laquelle on assiste depuis quelques années. De nombreuses études ont ainsi montré l’impact positif des activités de plein air sur l’apparition et la progression de la myopie chez l’enfant. Chaque heure passée à l’extérieur durant la semaine diminuerait de 2 % le risque de myopie, quel que soit le type d’activité pratiqué*. D’où l’intérêt d’inciter ses enfants à passer le plus de temps possible en extérieur !

*Professeur David Gaucher et Professeur Nicolas Leveziel, Rapport SFO « Les myopies », 2019 .

Faire de longues études augmente-il le risque de devenir myope ?

Le travail intensif de près lié aux études supérieures serait en effet un facteur de développement de la myopie. Des chercheurs de Singapour ont notamment cherché à quantifier l’impact de la durée des études sur la myopie. Selon leurs travaux, chaque décennie d’études entraînerait un accroissement de la longueur de l’œil de 0,6 mm* ! Ceci expliquerait le fait que la myopie soit très répandue parmi les populations les plus investies dans les études, comme les élèves des écoles orthodoxes d’Israël ou les étudiants d’Asie de l’Est.

*Wong et coll. Variations in ocular biometry in an adult Chinese population in Singapore: the Tanjong Pagar Survey. Invest Ophthalmol Vis Sci 2001; 42: 73–80

Je ne suis pas myope, mon enfant peut-il le devenir ?

Oui. Si la myopie a un caractère héréditaire, des facteurs environnementaux peuvent également favoriser sa survenue chez des enfants n’ayant pas d’antécédents familiaux de myopie : temps important passé sur les activités sollicitant la vision de près (lecture, écrans…) au détriment des activités en plein air notamment. D’où la nécessité d’apprendre à vos enfants dès leur plus jeune âge les règles à respecter pour préserver leur vision le plus longtemps possible.

Je suis myope. Comment limiter les risques que mon enfant le devienne ?

Parce que vous êtes myope, votre enfant a plus de risques de le devenir qu’un enfant sans antécédents familiaux. Pour autant, il n’y a pas de fatalité. Vous pouvez limiter ses risques environnementaux en l’incitant à adopter un mode de vie favorisant la prévention de la myopie :

  • limiter le temps passé sur les activités en vision de près (lecture, écrans…) ;
  • passer du temps en extérieur chaque jour (idéalement deux heures par jour) pour bénéficier du rôle protecteur de la lumière du jour.
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